Co‑Témoin 2 - D'office Pierre‑Marie Derrien
CO‑TÉMOIN II D'OFFICE
PIERRE‑MARIE DERRIEN
La déposition suivante est une des plus modestes et des plus simples de tout le Procès. Il s'agit du simple témoignage de gratitude envers Thérèse de I'Enfant‑Jésus d'un humble laïc qui reconnaissait devoir beaucoup à son intercession.
Le témoin, né à Senven Lehart (diocèse de Saint‑Brieuc) le 15 novembre 1880, fils d'humbles travailleurs, était, depuis 1913, sacristain du Carmel de Lisieux. Il raconte les nombreuses interventions de Thérèse dans sa vie. Dans sa brièveté, s'il prouve la puissance d'intercession de la sainte carmélite, il démontre également sa simplicité et son esprit surnaturel.
Il a déposé les 29 et 30 septembre 1916, au cours des sessions 66 et 67 du Procès, et sa déposition se trouve aux pages 1313‑1316 et 1323‑1325 de notre Copie publique.
[Session 66: ‑ 29 septembre 1916, à 9h.]
[Le témoin répond correctement à la première demande]:
[Réponse à la deuxième demande]:
Je m'appelle Pierre Marie Derrien, né à Senven Lehart, diocèse de Saint Brieuc, le 5 novembre 1880, de Jean François Derrien, laboureur, et de Marie Josèphe Raoult. Je suis sacristain de la chapelle du Carmel de Lisieux.
[1314] [Le témoin répond correctement de la troisième à la cinquième demande].
[Réponse à la sixième demande]:
Je suis entièrement libre dans ma déposition.
[Réponse à la septième demande]:
Je n'ai pas connu la Servante de Dieu de son vivant, mais depuis qu'on m'a appris à l'invoquer, j'ai été de sa part l'objet d'une protection toute particulière dont j’ai fait part à la révérende mère prieure du Carmel.
[Réponse à la huitième demande]:
Depuis qu'on m'a fait connaître soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, j'ai pour elle une dévotion très fidèle, parce que j'ai constaté qu'elle me faisait aimer le bon Dieu beaucoup mieux qu'auparavant. Je désire sa béatification, parce que je crois qu'une fois qu'elle sera béatifiée, tout le monde aura en elle une confiance plus grande encore et qu'il en résultera beaucoup de bien pour les âmes.
[Après omission de la neuvième à la cinquante‑huitième demande inclusivement, le co‑témoin est interrogé sur la question pour laquelle il est convoqué, que concernent les demandes cinquante‑neuf à soixante‑cinq. ‑ Réponse]:
En 1911, je souffrais depuis trois ans de graves maladies, bronchite aiguë avec fièvre intense, fièvre typhoïde suivie d'entérite muco-menbraneuse. On regardait ma guérison comme impossible. Madame [1315] de Lehen, chez qui je travaillais, me donna une image de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus et me conseilla de demander ma guérison à cette petite sainte. Un jour que je priais devant cette image, j'entendis intérieurement et nettement ces paroles: « Pierre, je cherche des âmes pour Jésus, veux‑tu être de mes amis?» Je répondis en faisant cette promesse: « Soeur Thérèse, si vous voulez me guérir, je vais mettre 100 francs de côté pour aider à votre béatification.» Je fis alors jusqu'à quatre neuvaines successives, mais sans obtenir d'amélioration. J'éprouvais un vrai découragement, lorsque le 21 mars 1911, à 10 heures du matin, priant seul dans ma chambre devant l'image de soeur Thérèse, j'entendis une toute petite voix me dire intérieurement: « Pierre, si le bon Dieu te guérit complètement, tu ne seras pas de mes amis, tu reviendras à l'offenser comme par le passé!... » Mes sentiments sur la souffrance changèrent alors, et je m'écriai: « Oh! qu'il fait bon souffrir pour vous, mon Dieu! » Je continuai donc de souffrir pendant plusieurs mois, mais je n'aurais pas voulu être délivré de mes souffrances, tant j'y trouvais de consolations intérieures.
Quand je fus bien établi dans cette résignation parfaite, soeur Thérèse me guérit progressivement, bien que j'eusse abandonné l'usage de tous les remèdes prescrits par les médecins, et je promis de faire un pèlerinage sur la tombe de soeur Thérèse. Je fis ce pèlerinage l'année suivante, le 11 avril 1912, et y recueillis de grandes grâces spirituelles. [1316] En mars 1913, je pus renouveler mon pèlerinage. Pendant que je priais sur la tombe, la même petite voix se fit entendre intérieurement; elle me dit: « Pierre, demande à venir à mon service » Ne sachant trop ce que cela signifiait, je me mis à nettoyer et à arranger sa tombe et celles de ses soeurs. Puis je vins au Carmel et je demandai aux tourières si la révérende mère n'avait pas besoin d'un sacristain. Elles me répondirent que pour le moment elles n'en avaient pas besoin. Je retournai donc en Bretagne, et, en attendant la réalisation de la parole qui m'avait été dite, je m'efforçai de faire connaître autour de moi la Servante de Dieu. Je cherchai surtout à l'imiter et à répondre à toutes ses inspirations. Elle avait une grande influence sur mon âme; elle m'inspirait de ne pas m'excuser, d'accepter joyeusement tous les reproches, toutes les moqueries, de travailler uniquement pour le
CO‑TÉMOIN I D'OFFICE: Pierre‑Marie Derrien
bon Dieu, de ne jamais me plaindre. Je lui fis la promesse de donner mon argent aux pauvres, à mesure que je le gagnerais. Plusieurs fois, comme je lui demandais de m'aider à consoler des malheureux, elle me fit trouver, par terre, sur le chemin, tantôt une pièce de cinq francs, une autre fois une pièce de deux francs.
[Session 67: ‑ 30 septembre 1916, à 9h.]
[1323] [Suite de la réponse de la cinquante-neuvième à la soixante‑cinquième demande]:
En juin 1913, je fis un pèlerinage à Rome, où j'eus le bonheur d'offrir au Saint Père le fruit de mon travail, et surtout d'offrir ma vie pour lui. Je fus pris alors de violents crachements de sang pendant deux jours et deux nuits, et je crus que j'allais mourir. Je demandai seulement à soeur Thérèse de l'Enfant Jésus de m'aider à revenir dans mon pays. Quand j'y fus arrivé, le médecin me jugea perdu; mais le dernier jour d'une neuvaine que l'on fit au Sacré‑Coeur par l'intercession de Thérèse de l'Enfant‑Jésus, je me sentis revenir à la vie. A partir de ce moment, je fus délivré de tous mes maux; à part une légère souffrance que je lui ai demandé de me laisser, je me [1324] porte très bien.
Au mois d'août 1913, je désirais quitter ma position de courrier des postes, mais j'hésitais beaucoup sur la direction que je devais donner à ma vie. Je ne savais ni si je devais entrer en religion, ou bien retourner à Rome pour être concierge d'un couvent comme on me le proposait, ou bien aller à Lisieux pour être au service de soeur Thérèse de l'Enfant Jésus, comme elle me l'avait indiqué. Je m'adressai à Notre Dame de Lourdes et lui promis de réciter chaque jour mon chapelet, jusqu'au 30 septembre, si elle m'accordait, par l'intercession de soeur Thérèse, de connaître d'une manière précise la volonté de Dieu sur mon âme. Le 29 septembre, à 4 heures du soir, je reçus un télégramme de Lisieux où la révérende mère prieure du Carmel me demandait si je voulais devenir le serviteur de la petite Thérèse. Je n'hésitai pas à reconnaître la volonté de Dieu dans cette demande inattendue, et c'est avec une joie parfaite que je travaille pour celle qui a transformé mon âme et m'a fait part de son propre amour, de sa confiance et de son abandon pour m'élever jusqu'à Dieu.
[1325] [Au sujet des Articles, le co‑témoin dit ne savoir que ce qu’il a déjà déposé en répondant aux demandes précédentes. ‑ Est ainsi terminé l'interrogatoire de ce co‑témoin. Lecture des Actes est donnée. Le co‑témoin n'y apporte aucune modification et signe comme suit]:
Signatum: PIERRE DERRIEN, témoin, j ai déposé comme ci‑dessus selon la vérité, je le ratifie et je le confirme,